Ibrahim Mahama

Strangers to lines
Ibrahim Mahama (Ghana)
2019

L’analyse formelle de l’architecture de l’Institut des Beaux-Arts de Lubumbashi est le point de départ de la conception de Strangers to lines. Ibrahim Mahama a en effet voulu créer un dialogue avec le bâtiment et a établi une analogie entre le vide et le plein qui agencent certains de ses murs ainsi que les colonnes soutenant l’établissement scolaire, et la forme de cercueils. L’artiste a dès lors fait fabriquer des versions de quelque cinq mètres de long de ces derniers, enduits d’huile de moteur usagée et de sable qui confèrent au bois la patine d’un objet déterré. Disposés dans l’espace de l’Institut des Beaux-Arts, ils en proposent une nouvelle perception spatiale puisque par leur taille démesurée, ces objets transcendent leur nature funéraire pour, en quelque sorte, se fondre dans la structure architecturale du lieu. Extraits de leur contexte funéraire puisqu’exhibés alors que leur fonction les voue à l’enfouissement sous terre puis à la décomposition, ces « cercueils » aux proportions démesurées qui ne disparaitront pas du champs de vision du spectateur comme ce serait le cas avec un cercueil classique, invitent également à une réflexion sur l’intégration de la mort dans le quotidien.

Ibrahim Mahama, né en 1987 à Tamale, au Ghana, est un artiste qui vit et travaille à Accra, Kumasi et Tamale, Ghana. Son intérêt pour l’histoire des matériaux et l’architecture est à l’origine de sa pratique artistique. Les échecs et retards par des formes spécifiques, façonnent toujours son choix de sites. Ibrahim Mahama estime que les œuvres n’occupent pas seulement ces derniers mais sont également présentes dans les œuvres/objets.

Résidus et points de chaos sont  enregistrés comme des traces dans les formes qu’il sélectionne, ils nous présentent des perspectives alternatives de regard posé sur les conditions matérielles et de travail de la société. La forme est importante. Son travail a inclus des objets provenant de sacs de jute utilisés pour transporter des marchandises jusqu’au point de décomposition, puis cousus ensemble avec l’aide d’un réseau de collaborateurs dans des conditions de travail spécifiques, et ensuite drapés sur des structures architecturales. Les travaux manuels et leur relation parallèle avec les formes architecturales deviennent beaucoup plus évidentes.

Ses travaux les plus récents constituent une ligne droite à travers la carcasse de l’histoire et ont également trait aux formes liées à la Seconde Guerre mondiale ainsi qu’à la vie des bactéries. Son travail a été inclus dans les 56e et 57e éditions de la Biennale de Venise et à la documenta 14 à Athènes et à Kassel, ainsi que dans les expositions Orderly Disorderly à Accra, Images An Age of Our Own Making à la Kunsthal Charlottenborg à Copenhague, The Island Is What The Sea Surrounds à Malte, Spectacles Spectations à Kumasi et Labour of Many à la Norval Foundation, Le Cap.

Ibrahim Mahama a terminé une résidence d’un an à la DAAD à Berlin en 2018. Ses intérêts actuels portent sur l’utilisation de formes architecturales en lien avec l’histoire dans la formation d’espaces inspirés par les potentialités et les échecs de la modernité.