Grace Ndiritu

The Lubumbashi Tapestries: Decolonizing The Production of Textiles 
Grace Ndiritu (Kenya/Belgique)
2019

The Lubumbashi Tapestries s’inscrit dans le cadre de Healing The Museum, un projet plus vaste de Grace Ndiritu, qui sert de plate-forme à un dialogue complexe entre des idées différentes sur la façon de voir le monde à travers le prisme du postmodernisme et du modernisme. Selon elle, ce n’est pas un hasard si un regain d’intérêt pour le modernisme dans le monde de l’art occidental se produit en même temps que les pays du « Sud » – Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud – commencent à faire jouer leur puissance économique mondiale. Ndiritu estime que la plupart des institutions modernes sont désynchronisées avec les expériences de leurs publics et la façon dont les changements mondiaux ont érodé la relation entre les publics et les collections. Les musées sont en train de mourir et Grace Ndiritu voit le chamanisme comme un moyen de réactiver l’espace artistique agonisant comme un espace de partage, de participation et d’éthique. De la préhistoire à nos jours, le chaman n’était pas seulement le guérisseur de groupe et le facilitateur de la paix, mais aussi l’artiste créateur.

Pour réaliser les Lubumbashi Tapestries, Grace Ndiritu a choisi des dessins du début du XXe siècle de Martin Gusinde, un anthropologue autrichien qui a visité la Terre de Feu et les descendants des tribus chamaniques Ona et Selknam. Les ancêtres de ces derniers ont été décimés en 1870 dans le cadre du projet colonial du génocide en Argentine appelé La Conquête du Désert. Les images sélectionnées pour les Lubumbashi Tapestries furent récoltées au Musée National de Buenos Aires lors d’une résidence effectuées par l’artiste en Argentine, et montrent les vestiges de leur culture matérielle, c’est-à-dire le tissage de paniers et les marques peintes sur leurs corps et visages comme signes de ces « technologies rituelles » et de communication non verbale avec les plantes dont les paniers sont tissés. Des reproductions de ces images étaient ensuite tissées à la machine à Gand (Belgique), capitale historique de la tapisserie médiévale au 14ème siècle aux Pays-Bas. Cette sélection d’images est accrochée aux côtés d’un cliché reproduisant une nature morte typique de la peinture florale néerlandaise du 15ème siècle, mais aujourd’hui tissée sur un textile bon marché destiné au marché touristique. Ce tissu est accroché en combinaison avec un tissu kuba contenant également des motifs géométriques et des signes non verbaux relatifs au statut économique et social, qui a été tissé à la main à la fin du XIXe siècle au Congo, soit quatre cents ans après le début des routes commerciales transatlantiques mortelles de l’esclavage qui relient l’Afrique, l’Amérique latine et l’Europe.

Grace Ndiritu est une artiste visuelle internationale. A l’âge de 22 ans, elle bénéficié de l’enseignement du réalisateur Steven McQueen aux De Ateliers d’Amsterdam. En 2009, son œuvre est entrée dans la collection du Metropolitan Museum of Art de New York, et est référencée dans The 21st Century Art Book de Phaidon, publié en 2014. En 2014, elle a également été élu comme étant l’une des dix artistes de moins de 40 ans les plus importants et les plus influents par Apollo Magazine. En 2012, Ndiritu a également commencé à réaliser une nouvelle œuvre intitulée Healing The Museum. Cette dernière est née de la nécessité de réintroduire des méthodes non rationnelles telles que le chamanisme pour réactiver la « sacralité » des espaces artistiques.

Ndiritu estime que la plupart des institutions artistiques modernes ne reflètent pas les expériences quotidiennes du public et que les changements socio-économiques et politiques généralisés qui ont eu lieu dans le monde entier au cours des dernières décennies, ont érodé davantage la relation entre les musées et leur public. Les musées sont en train de mourir. Ndiritu voit le chamanisme comme un moyen de réactiver l’espace artistique mourant comme un espace de partage, de participation et d’éthique.

En 2012, Grace Ndiritu a pris la décision radicale de ne rester en ville que pour le strict nécessaire, afin de vivre autrement, notamment au sein de communautés rurales, alternatives et souvent spirituelles, tout en développant ses recherches sur les modes de vie nomades et sa formation aux études ésotériques comme le chamanisme, qu’elle a commencé il y a plus de 18 ans.

Ses recherches sur la vie communautaire ont abouti jusqu’à présent à la création de l’Arche : Centre d’expérimentation interdisciplinaire. Ses archives de plus de quarante vidéos ‘faites main’, photographies expérimentales, peintures, projets de recherche et performances chamaniques ont été exposées dans des lieux tels que Bluecoat, Liverpool ; Eastside Projects, Birmingham ; Fundació Antoni Tàpies, Barcelone ; Glasgow School of Art ; Museum Modern of Art, Varsovie ; Centre Pompidou, Paris ; Chisenhale Gallery, Londres ; Ikon Gallery, Birmingham and à la 51e Biennale de Venise. Plus récemment, son travail a été présenté dans la publication de la Whitechapel Gallery: Documents d’art contemporain : The Rural (2019) MIT Press.

La participation de Grace Ndiritu à la biennale est soutenue par Mu.ZEE et Flanders State of the Arts.