Arrival/Departure
Younes Baba-Ali (Belgique/Maroc)
2019
Le projet Arrival/Departure s’articule initialement autour de problématiques de déplacement d’artistes congolais liées à des difficultés administratives. Younes Baba-Ali a réalisé des pochettes de passeports belges qu’il a ramené à Lubumbashi pour les remettre à des artistes congolais voyageant notamment en Europe. Dans une vidéo, ces artistes ont ensuite relaté leurs parcours et expériences de voyages en étant munis de leurs passeports congolais recouverts de cette pochette, qui incarne également un objet de pouvoir. Les pochettes seront par ailleurs mises en circulation dans le marché informel lushois, où elles seront vendues dans un petit stand frappé d’un blason belge. Elle seront revendues à un prix symbolique qui questionne leur valeur artistique mais également monétaire dans un contexte d’accès difficile aux visas belges. Arrival/Departure inclut également un « cabinet de confidences populaires » dont l’objectif est, d’en quelque sorte, contribuer à porter la voix des Lushois. Pour ce faire, Younes Baba-Ali et son équipe ont récolté des dictons et proverbes lushois principalement liés à des problématiques sociétales ainsi qu’à la présence d’expatriés à Lubumbashi. Traduits en hindi, arabe et chinois, les messages furent ensuite rédigés sur des petits panneaux adressés aux expatriés débarquant à l’aéroport de Lubumbashi. L’action était une manière de confronter le comportement de ces derniers à une forme de sagesse populaire. Les messages eux-mêmes sont également exposés avec le cabinet de confidences. Coffret de survie est un ready-made où des minerais katangais sont disposés à côté d’un lance-pierre artisanal, dont la présence les désacralise et invite la population à se réapproprier ces matières précieuses. Ces dernières peuvent également servir de cailloux, transformant ainsi la catapulte en moyen d’auto-défense.
Younes Baba-Ali pratique un art non-conventionnel, intelligent et critique. Il travaille de préférence dans l’espace public ou dans des lieux peu communs. Fin observateur, il pose des questions pertinentes à la société, à l’institution, mais aussi surtout à son public. C’est un libre penseur, qui tend à la société un miroir et lui renvoie ses réflexes conditionnés et ses dysfonctionnements. L’oeuvre de Baba-Ali se présente souvent sous la forme de ready-made, mais cette apparente simplicité dissimule un délicat exercice d’équilibre. À la manière d’un alchimiste, l’artiste dose et combine les techniques, les objets du quotidien, les sons, la vidéo et la photographie et adresse des questions politiques, sociales et écologiques. Les installations qu’il distille poussent le spectateur à prendre position malgré lui. Baba-Ali ne recule pas devant la controverse et est même souvent contraint à de subtiles négociations avec son environnement pour revendiquer sa pratique artistique et son droit à l’existence. Son art est toujours spécifique à un contexte et ne prend vraiment sa forme que dans le dialogue du public. C’est de l’art d’intervention dérangeant et qui adopte parfois un ton ironique pour confronter le public à lui-même et à son environnement. Baba-Ali soumet au spectateur des dilemmes et des tabous et le défie d’agir et de réagir. Il en fait ainsi son complice dans une guérilla artistique clandestine qui réunit l’establishment et l’homme commun.
Né en 1986 à Oujda (Maroc), Younes Baba-Ali vit et travaille à Casablanca (Maroc) et Bruxelles (Belgique). Diplômé de l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg en 2008, et de l’Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence en 2011, il a été récompensé par le prix « Léopold Sédar Senghor », à la Biennale d’art contemporain africain de Dakar (Sn) en 2012 et le prix « Boghossian », à Bruxelles (Belgique) en 2014. Il a participé à plusieurs expositions et biennales internationales, dont des projets récents et à venir tels que Kunstenfestivaldesarts, Bruxelles, la Biennale de Lubumbashi, Lubumbashi (RDC), Brussels Background, Bruxelles, Brussels in Song Eun : Imagining Cities Beyond Technology 2.0, Séoul (Corée du Sud), For a Brave New Brussels, Lisbonne (Portugal), Digital Imaginaries – Africas in Production, ZKM, Karlsruhe (Allemagne), One Place After Another, Moscou (Russie), la Biennale de Marrakech (Maroc), Documenta 14, Berlin (Allemagne), Biennale d’art africain contemporain, Dakar, (Sénagal), Commandes, KANAL – Centre Pompidou, Bruxelles et Gemischte Gefühle, Tempelhof, Berlin. Son travail fait partie de différentes collections, privées et publiques, telles que Kanal – Centre Pompidou, Bruxelles.
La participation de Younes Baba-Ali à la biennale est soutenue par Flanders State of the Art.